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Le soldat de Marsala

Gustave NADAUD – vers 1860

Gustave Nadaud est, de son propre aveux, loin d’être un révolutionnaire, se qualifiant lui même de « modéré, voire très modéré« . Cet homme, que l’on qualifierai de droite traditionnelle aujourd’hui, a néanmoins plusieurs mérites dans le cadre qui nous occupe. Celui déjà d’écrire lui même textes et musique de ses chansons et d’avoir,  malgré le succès de ses titres, toujours refusé les cachets (ce qui lui vaudra de finir sa vie dans la misère). D’avoir, ensuite, écrit cette chanson aux accents antimilitaristes. Enfin et surtout d’avoir admiré Eugène Pottier, malgré des divergences politiques fondamentales, et d’avoir sur ces fonds propres fait éditer les textes du poète ouvrier, anarchiste et communard, le sauvant ainsi de l’oublie et particulièrement son texte le plus connu : L’Internationale.

Le soldat de Marsala évoque l’expédition des Mille, un évènement majeur du Risorgimento italien. L’expédition conduite par Garibaldi en 1860 vise à reprendre la Sicile aux Bourbons à l’aide d’environ un millier de combattants. La date de la chanson en elle même est incertaine, écrite vraisemblablement dans la première moitié de la décennie 1860.

Ah ! que maudite soit la guerre…

Je vous en propose un enregistrement par Serge Utge-Royo sur son album Contrechants… de ma mémoire, volume 1

Le soldat de Marsala

Gustave NADAUD – vers 1860

Nous étions au nombre de mille,
Venus d’Italie et d’ailleurs :
Garibaldi, dans la Sicile
Nous conduisait en tirailleurs.
J’étais un jour seul dans la plaine,
Quand je trouve en face de moi,
Un soldat de vingt ans à peine,
Qui portait les couleurs du roi.
Je vois son fusil se rabattre ;
C’était son droit ; j’arme le mien ;
Il fait quatre pas, j’en fais quatre :
Il vise mal, je vise bien…

Ah ! que maudite soit la guerre
Qui fait faire de ces coups-là !
Qu’on verse dans mon verre
Le vin de Marsala !

Il fit demi-tour sur lui-même.
Pourquoi diable m’a-t-il raté ?
Pauvre garçon ! il était blême.
Vers lui je me précipitai.
Ah ! je ne chantais pas victoire ;
Mais je lui demandai pardon,
Il avait soif, je le fis boire :
D’un trait il vida mon bidon.
Puis je l’appuyai contre un arbre,
Et j’essuyai son front glacé.
Son front sentait déjà le marbre !
S’il pouvait n’être que blessé !…
Ah ! que maudite soit la guerre,
Qui fait faire de ces coups-là !
Qu’on verse dans mon verre
Le vin de Marsala !

Je voulus panser sa blessure ;
J’ouvris son uniforme blanc.
La balle, sans éclaboussure,
Avait passé du cœur au flanc.
Entre le drap et la chemise,
Je vis le portrait en couleur
D’une femme vieille et bien mise,
Qui souriait avec douceur.
Depuis, j’ai vécu Dieu sait comme !
Mais tant que cela doit durer,
Je verrai mourir le jeune homme
Et la bonne dame pleurer !

Ah ! que maudite soit la guerre
Qui fait faire de ces coups-là !
Qu’on emporte mon verre !
C’était à Marsala !…

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