Il y a peu de chanson à la gloire ou au souvenir d’une personne unique. Celle-ci commémore l’importance qu’a eu François Claudius Koënigstein, dit Ravachol pour le mouvement anarchiste en inaugurant de manière explosive une ère d’attentats suivant la doctrine de la propagande par le fait.
Théorisée par Pierre Kropotkine, Enrico Malatesta et Louise Michel, cette doctrine vise à dépasser les limites du discoure par le geste et l’action – y compris violente et/ou illégale – dans le but d’allumer l’étincelle révolutionnaire. Ravachol adhère à cette doctrine appelant à « la révolte permanente, par la parole, par l’écrit, par le poignard, le fusil, la dynamite« .
Lorsque, en 1891, la troupe et la police réprime dans le sang les premières manifestations du 1er mai en France, à Clichy et à Fourmi, faisant des morts et des blessés parmi les manifestants (y compris femmes et enfants), la révolte de Ravachol devient fureur ce qui le pousse à passer à l’action. Il pose deux bombes devant les logis de deux magistrats ayant condamnés à de large peine de prison trois militants anarchiste. Si elles provoquent d’important dégâts, ces bombes ne feront ni morts, ni blessés.
Dès lors, Ravachol incarne l’anarchiste poseur de bombes. Curieusement, la presse populaire exprime plus de sympathie que de condamnation de l’action de Ravachol et de la mise en pratique de la propagande par le fait.
Arrêté en 1892, il sera condamné à mort et guillotiné le 11 juillet de cette même année. Il chante le Père Duchêsne, une autre chanson anarchiste, en allant à l’échafaud. Ses dernières paroles, au moment ou le couperet tombe, sont « Vive la ré… » (…volution !).
La mémoire de Ravachol est encore présente dans les milieu libertaire comme en témoigne les Bérurier Noir : « Salut à toi le Ravachol ».
Extraits de la déclaration de Ravachol lors de son procès
Si je prends la parole, ce n’est pas pour me défendre des actes dont on m’accuse, car seule la société, qui par son organisation met les hommes en lutte continuelle les uns contre les autres, est responsable.
(…)
Que peut-il faire celui qui manque du nécessaire en travaillant, s’il vient à chômer ? Il n’a qu’à se laisser mourir de faim. Alors on jettera quelques paroles de pitié sur son cadavre.
(…)
Eh bien, messieurs, il n’y a plus de criminels à juger, mais les causes du crime a détruire. En créant les articles du Code, les législateurs ont oublié qu’ils n’attaquaient pas les causes mais simplement les effets, et qu’alors ils ne détruisaient aucunement le crime ; en vérité, les causes existant, toujours les effets en découleront. Toujours il y aura des criminels, car aujourd’hui vous en détruisez un, demain il y en aura dix qui naîtront. Que faut-il alors ? Détruire la misère, ce germe de crime, en assurant à chacun la satisfaction de tous les besoins ! Et combien cela est facile à réaliser ! Il suffirait d’établir la société sur de nouvelles bases où tout serait en commun, et où chacun, produisant selon ses aptitudes et ses forces, pourrait consommer selon ses besoins.
(…)
Oui, je le répète : c’est la société qui fait les criminels, et vous jurés, au lieu de les frapper, vous devriez employer votre intelligence et vos forces à transformer la société. Du coup, vous supprimeriez tous les crimes ; et votre œuvre, en s’attaquant aux causes, serait plus grande et plus féconde que n’est votre justice qui s’amoindrit à punir les effets.
Je ne suis qu’un ouvrier sans instruction ; mais parce que j’ai vécu l’existence des miséreux, je sens mieux qu’un riche bourgeois l’iniquité de vos lois répressives. Où prenez-vous le droit de tuer ou d’enfermer un homme qui, mis sur terre avec la nécessité de vivre, s’est vu dans la nécessité de prendre ce dont il manquait pour se nourrir ? J’ai travaillé pour vivre et faire vivre les miens ; tant que ni moi ni les miens n’avons pas trop souffert, je suis resté ce que vous appelez honnête. Puis le travail a manqué, et avec le chômage est venue la faim. C’est alors que cette grande loi de la nature, cette voix impérieuse qui n’admet pas de réplique, l’instinct de la conservation, me poussa à commettre certains des crimes et délits que vous me reprochez et dont je reconnais être l’auteur.
Jugez-moi, messieurs les jurés, mais si vous m’avez compris, en me jugeant jugez tous les malheureux dont la misère, alliée à la fierté naturelle, a fait des criminels, et dont la richesse, dont l’aisance même aurait fait des honnêtes gens !
Une société intelligente en aurait fait des gens comme tout le monde !
La chanson La Ravachole, attribué à Sébastien Faure, date de 1893. Je vous propose deux enregistrements l’un assez classique, l’autre résolument plus moderne.
La Ravachole
Sébastien FAURE (1893)
1.
Dans la grand’ville de Paris
Dans la grand’ville de Paris
Il y a des bourgeois bien nourris
Il y a des bourgeois bien nourris
Il y a les miséreux
Qui ont le ventre creux :
Ceux-là ont les dents longues,
Vive le son, vive le son,
Ceux-là ont les dents longues,
Vive le son
D’l’explosion !
[Refrain]
Dansons la Ravachole,
Vive le son, vive le son,
Dansons la Ravachole,
Vive le son
D’l’explosion !
2.
Il y a les magistrats vendus,
Il y a les magistrats vendus,
Il y a les financiers ventrus,
Il y a les financiers ventrus,
il y a les argousins.
Mais pour tous ces coquins
Il y a d’la dynamite,
Vive le son, vive le son,
Il y a d’la dynamite,
Vive le son
D’l’explosion !
[Refrain]
3.
Il y a les sénateurs gâteux,
Il y a les sénateurs gâteux,
Il y a les députés véreux,
Il y a les députés véreux,
Il y a les généraux,
Assassins et bourreaux,
Bouchers en uniforme,
Vive le son, vive le son,
Bouchers en uniforme,
Vive le son
D’l’explosion !
[Refrain]
4.
Il y a les hôtels des richards,
Il y a les hôtels des richards,
Tandis que les pauvres déchards,
Tandis que les pauvres déchards,
À demi morts de froid
Et soufflant dans leurs doigts,
Refilent la comète,
Vive le son, vive le son,
Refilent la comète,
Vive le son
D’l’explosion !
[Refrain]
5.
Ah, nom de dieu, faut en finir !
Ah, nom de dieu, faut en finir !
Assez longtemps geindre et souffrir !
Assez longtemps geindre et souffrir !
Pas de guerre à moitié !
Plus de lâche pitié !
Mort à la bourgeoisie,
Vive le son, vive le son,
Mort à la bourgeoisie,
Vive le son
D’l’explosion !
[Refrain]
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