Montéhus (1872-1952)
Gaston Mardochée Brunschwig de son nom de scène et de plume Montéhus est un chansonnier assez connu du début du XXè siècle. Proche de la gauche, ami de Lénine lors de son séjour à Paris et ouvertement anti-militariste, c’est un auteur assez prolifique mais réputé quelconque à l’exception de quelques fulgurances. Je n’ai pas d’avis sur le sujet. Il s’oppose dans ces textes à la guerre, à l’exploitation capitaliste, à l’hypocrisie religieuse et sociale, à la misère. Malgré tout, un l’instar de nombre de ses contemporains, il se fera vaillant partisan de la guerre à l’aube de la Ière guerre mondiale
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- Nous chantons la Marseillaise
- Car dans ces terribles jours
- On laisse l’Internationale
- Pour la victoire finale
- On la chantera au retour.
Il n’aura ce cesse durant les quatre années du conflit de composer et chanter des chants bellicistes (La Dernière victime, La Voix des mourants, La Vision sanglante, Debout les Morts !, …). Néanmoins, il n’est que l’un de tout ceux qui, entrainé par le patriotisme ambiant, mettrons de côté leur raison et leur pacifisme au service d’une vision fantasmée de la défense de la nation. L’heure est à la revanche. Ne leur jetons pas la pierre.
Il tentera de renouer, après la fin du conflit, avec son public et ses anciennes convictions mais avec un succès plus que limité. Actif lors de la montée du Front Populaire, il soutiendra la gauche avec de nombreux textes, retrouvant par là un certain mais éphémère succès (Le décor va changer, Vas-Y Léon !, Le Cri des grévistes, L’Espoir d’un gueux).
Il publie un 1923 cette chanson évoquant un sanglant épisode de la bataille de la Somme. La butte de la chanson n’est pas celle de Montmartre et elle n’évoque donc pas la Commune de Paris. Il s’agit d’un lieu dit Butte Bapaume aux environs de Berzieux, théâtre de sanglant combats lors de l’été 1916.
Je vous propose deux enregistrements de cette chanson.
Le premier par le regretté Marc Orgeret et le second par Serge Utgé-Royo.
La Butte Rouge – Marc Orgeret – Chansons de révolte et d’espoir
La Butte Rouge – Serge Utgé-Royo – Contrechants… de ma mémoire, volume 1
La Butte Rouge
Texte Montéhus, musique Georges Krier
1.
Sur cette butte là, y avait pas d'gigolette
Pas de marlous ni de beaux muscalins
Ah, c'était loin du moulin d'la galette,
Et de Paname qu'est le roi des pat'lins
2.
Ce qu'elle en a bu, du beau sang cette terre
Sang d'ouvrier, sang de paysan,
Car les bandits, qui sont cause des guerres
N'en meurent jamais on n'tue qu'les innocents
3.
La butte rouge, c'est son nom, l'baptème s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin
Aujourd'hui y a des vignes il y pousse du raisin
Qui boira d'ce vin là boira l'sang des copains
4.
Sur cette butte là, on n'y f'sait pas la noce,
Comme à Montmartre où l'champagne coule à flots
Mais les pauvr' gars qu'avaient laissé des gosses
Y f'saient entendre de terribles sanglots
5.
C'qu'elle en a bu des larmes cette terre,
Larmes d'ouvriers, larmes de paysans,
Car les bandits, qui sont cause des guerres
Ne pleurent jamais car ce sont des tyrans.
6.
La butte rouge, c'est son nom l'baptème s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpèrent roulèrent dans le ravin
Aujourd'hui y a des vignes, il y pousse du raisin
Qui boit de ce vin là boira les larmes des copains
7.
Sur cette butte là on y r'fait des vendanges
On y entend des cris et des chansons
Filles et gars doucement y échangent
Des mots d'amour qui donnent le frisson
8.
Peuvent-ils songer dans leurs folles étreintes
Qu'à cet endroit où s'échangent leurs baisers
J'ai entendu la nuit, monter des plaintes
Et j'y ai vu des gars au crâne brisé ?
9.
La butte rouge c'est son nom, l'baptème s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin
Aujourd'hui y a des vignes, il y pousse du raisin
Mais moi j'y vois des croix portant l'nom des copains.
Il est à noter, dans un soucis de justice envers les poilus, que Montéhus ne sera jamais mobilisé et recevra en 1918 la croix de guerre pour ses bons et loyaux services…
