Gustave Leroy (1818-1860)
Écrite en mars 1849, cette chanson circulait sur des feuilles volantes dans les rues de Paris. Cette complainte dénonce l’exécution de deux insurgés de 1848 – Henri DAIX et Nicolas LAHR – le 17 mars 1949 alors qu’un bal avait lieu le soir même à l’Élysée. Les deux insurgés, parmi cinq condamnés, sont considérés comme responsables de la mort du général Jean-Baptiste Bréa et seront seuls exécutés. Chargé de la répression lors des journées de juin 1848, le général Jean-Baptiste Bréa avait été fusillé par les insurgés le 25 juin, à la barrière de Fontainebleau. Cette chanson valu pour son auteur des poursuites en justice se concluant par six mois de prison et 300 francs d’amende.
Il n’existe que peu d’enregistrement de cette chanson – hélas – et toutes celles que j’ai trouvé font montre d’une certaine emphase un peu surannée. Elle mériterai un enregistrement plus contemporain.
Je vous en propose néanmoins deux, l’une chantée et l’autre uniquement récitée.
Raymon Souplex et Jean Lemaire – Histoires de France vol. 2 – Le bal et la guillotine
Gustave Leroy lu par Yvon Jean – Le bal et la guillotine
Le bal et la guillotine
Air des Faux Dieux, ou de Vive Paris.
1.
C'est aujourd'hui qu'eut lieu le sacrifice,
Fasse le ciel que ce soit le dernier,
Ils ont dressé le mortel édifice
Qu'un Peuple-roi brisait en Février ;
Elle est debout, la sanglante machine,
A son travail on ne peut plus surseoir,
Républicains ! voici la guillotine...
A l'Élysée on dansera ce soir !
2.
Femmes du bal, sonnez votre servante,
Qu'elle vous mette un corset.. le plus beau,
Les condamnés, ô douleur émouvante,
N'ont pour valet que celui du bourreau !
Votre calèche, élégante, coquette,
Vous mène au bal que donne le pouvoir,
Eux, pour calèche ont l'ignoble charrette...
A l'Élysée on dansera ce soir !
3.
Femmes, riez, votre mise est parfaite,
Vos diamants lancent leurs mille feux ;
Les condamnés ont aussi leur toilette,
Mais le bourreau leur coupa les cheveux !
La fashion bourgeoise et militaire
Vous fait cortège et vous suit pour vous voir,
Prêtre et bourreau les suivent au Calvaire...
A l'Élysée on dansera ce soir !
4.
Strauss conduira la troupe musicale,
Femmes, valsez, les sons harmonieux
De sa musique, heureuse, sans égale,
Provoqueront des soupirs envieux ;
Eux pour musique ont leurs mornes tortures,
Et pour couvrir leurs cris de désespoir,
Le couperet grince dans ses rainures...
A l'Élysée on dansera ce soir!
5.
Dansez, valsez, faites valoir vos charmes,
Dansez, valsez pour six cent mille francs,
Là-bas, là-bas deux veuves sont en larmes,
Entendez-vous les cris de leurs enfants ?
Laissez tomber de vos mains si bien faites
Votre bouquet ou votre fin mouchoir,
L'exécuteur a fait tomber deux têtes...
A l'Elysée on dansera ce soir !
6.
Quel bal brillant, quelle lugubre scène !
Contraste affreux... le rire et la douleur...
Le Président entre au bal... quelle aubaine,
Les patients ont vu l'exécuteur !
Le couteau tombe... il sépare, il écarte
Le chef du tronc... le sang jaillit tout noir !
Et vient tâcher le front de Bonaparte...
A l'Élysée on dansera ce soir !
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